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Maratouristes/ Dreux

mercredi 22 septembre 2021

Ultra-Trail du Vercors, un superbe compte-rendu d’une superbe victoire

Notre ami Christophe Polaszek s’est imposé début septembre sur l’ultra-Trail du Vercors (86 km et 4900 m+) et ce en moins de dix heures ! Exceptionnel ! En plus, il a eu la gentillesse de nous envoyer son compte-rendu et quelques photos dont celle d’un dessin de sa fille Ninon, 8 ans. Un texte talentueux à la hauteur du talent de ce champion.

UTV 2021, l’ultra qui a du chien 

11/09. 5 h. Thomas et moi nous élançons sur le parcours de cet Ultra trail du Vercors dans la fraîcheur de la nuit. Tout jeunes et foufous, nous quittons rapidement la meute à pas feutrés, sans collier ni maître. L’entente est royale. Nous échangeons nos pedigrees et devisons à bâtons rompus sur Paris et sa périphérie, où Thomas (sur)vit, et sur la Beauce, où j'ai (sur)vécu 

Les 21 premiers kilomètres et 1100 m+ sont vite avalés, en deux heures tout rond. Après Corrençon, la pente s’élève progressivement vers l’échancrure d’un col. Le rythme est plus difficile à maintenir dans ces champs de racines et de lapiaz qui usent nos coussinets. Doucement, dans un chaos de pierres, je prends la tête. Quand je me retourne. Stupeur ! Je suis tenu en laisse par Thomas, mon nouveau maître. L'image est un peu abusive, certes, mais le lien est fait 

À l’approche du Pas Ernadant, je tire sur ma laisse qui s’étire, s’étire et cède. Plus de maître. Aux abois, je décide de poursuivre. Après tout, il suivra bien ma piste. Au pic Saint-Mich’, je frétille. L’heure du repas arrive et… paf ! Non d’un chien. Je tombe sur un os, un gros rocher. Belle gamelle*. Je me relève tout groggy, ma cuisse gauche endolorie. Le mal est fait - à présent, je serrerai les crocs dans chaque descente. Quant à mon maître, il se rapproche, je le sens.


58e kilomètre. J’erre à la Sierre en quête d’un point d’eau, puis repars tout patraque, les oreilles baissées. Quelques kilomètres après, mon maître me rattrape pour, aussitôt, me passer le collier au cou. Il me promène. Je me laisse faire. « La liberté c’est de savoir danser avec ses chaînes », disait Nietzsche.

Ma fuite aura duré quatre heures. Thomas n’a pas l’air fâché pour autant. C’est un gentil maître, à l’écoute, très prévenant. Pour le remercier, je lui ouvre de-ci de-là le chemin - ici, c’est un peu mon territoire. Nous encaissons la descente du sentier botanique, une plaie dans la roche qui finit d’achever ma cuisse. À Saint-Nizier, niché près d’une école, le ravito du 68e kilomètre nous invite à une courte pause. Je montre mon tatouage... ce qui me met la puce à l’oreille. Où sont nos poursuivants ? Nous apprenons les écarts : 50’ d’avance ! Un tapis confortable, de quoi lever le pied ? Que nenni. Mon maître a l’air bien trop impatient de rentrer.

Nous descendons le Pas de la Corne, puis attaquons le dernier gros morceau de la journée : la montée jusqu’au Pas de l’Ours pour rejoindre la crète de Charande et redescendre par un sentier qui serpente à travers bois jusqu’à Autrans. Dans l’ascension, je ne laisse pas filer mon maître – je m’y suis attaché. Je passe encore quelquefois devant lui, jamais longtemps. Au hameau des Merciers, je m’asperge d’eau, m’ébroue et reprend du poil de la bête avec cette idée fixe : finir en moins de 10 heures. L’esprit a ses raisons que le corps ne connaît point 

Enfin, la descente ! Mon maître est encore plus empressé d’en finir. Pas question néanmoins de m’attacher à un arbre. Il m’encourage. Quelle élégance ! Je chute par deux fois, jappe (intérieurement), bave affreusement. J’ai plus l’air d’un bien battu que d’un samoyède en photo faisant le beau Qu’importe, je retrousse mes babines et reste accroché aux (gros) mollets de mon maître 


14 h 58. 86 km et 4900 m+. Co-victoire ! À peine franchi la ligne, c’est la fête. Je saute dans les bras de mon maître - avec mon odeur de chien mouillé - et me couche aussi sec dans l’herbe rase... Quelques instants, je reprends vaguement mes esprits, mange ma pâtée**, me mets à quatre pattes, puis me relève enfin sur mes deux jambes. Ma famille arrive. Mes deux filles m'aperçoivent et viennent me caresser la main 


Récit librement inspiré de Mon chien, c’est quelqu’un de Raymond Devos.

 


Ninon (8 ans)

Au risque de paraître un poil lyrique, je ne pouvais passer à côté de quelques remerciements 

Alors, merci à Thomas Balabaud pour la promenade et son soutien, à toute l’organisation et aux bénévoles pour leur dévouement. Cette co-victoire illustre parfaitement l’état d’esprit de l’UTV : convivialité et respect. Chapeau !

Merci à tous mes amis de Cap Vercors, aux coachs et à Céline qui donne sans compter pour nous faire souffrir sans nous blesser. Merci à tous mes coéquipiers d’entrainement (à pied, en vélo, en salle de sport, en skating…) qui me « supportent » 👌

Merci à ma superbe accompagnante sur le parcours, capable de se lever à 6 h du matin, de m’attendre à Corrençon, de grimper Côte 2000 en 4e vitesse - parce que les remontées mécaniques ne sont pas encore ouvertes -, de me tendre mes boissons, de rentrer à la maison (de prendre une douche). De repartir à la Sierre, puis à Saint-Nizier. D’aller chercher les filles à la patinoire, foncer à l’arrivée pour me voir avachi dans une flaque de sueur. C’est beau 😘 Merci également à notre Mima de choc qui jongle avec le planning de nos filles pour que je puisse réaliser mes entrainements et qui nous facilite le quotidien 🙌

Bravo à tous les participants qui ont bravé cette année un parcours aussi dantesque qu’inoubliable. Quel tracé ! Les plus beaux défis sont souvent ceux qui nous résistent (ou que l’on ne finit pas 🤔).

Je dédie cette co-victoire à tous nos amis du Vercors qui nous ont chaleureusement accueilli et à David Lebray, l’unibâtoniste du trail, qui nous a soufflé l’idée géniale de venir habiter ici 🙏

PS : bien sûr, c’est mon post, et j’ai aussi le droit de ne pas remercier. Alors, je ne remercie pas ceux qui portent toujours sur les autres la lucidité qu’ils n’ont pas à l’égard d’eux-mêmes et qui érigent leur vie comme le seul modèle à suivre. Sans récriminations, je leur dis que le bonheur, c’est savoir reconnaître qu’il est essentiel.

 

* Petite pensée pour Florent qui a joué les urgentistes en m’injectant plusieurs doses d’antiasthénique/coca/saucisson à l’arrivée. Désolé Nico pour la petite larme versée par ma faute. Cyril, tu piques !

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