http://www.ultrafondus.fr/index.php/Recits-bruts/Montagn-Hard-2009-Antoine-Guillon.html
Montagn'hard 2009
Envie d’ultra, envie de montagne et de dénivelé, voilà comment je me suis retrouvé avec un dossard pour la première édition de la Montagn’Hard. Connaissant Olivier TRIBONDEAU, il était certain que le parcours et l’organisation seraient à la hauteur de mes espérances.
C’est du petit village de Saint-Nicolas de Véroce, près de Saint-Gervais-les-Bains, que le départ sera donné. La verdure environnante atteste de la fraîcheur et de l’humidité des lieux.
Fin de journée, je prends mon dossard, prépare mon Camel-back Cinetik 11 avec la poche à eau et non pas les bidons car il faudra de l’autonomie sur certains points. Je monte la tente sur un parking, prends un léger repas et me couche pour un petit somme avant le départ prévu à 4 h du matin. Etonnamment, je dors très bien. Je suis serein. Mes affaires étant prêtes, je n’ai qu’à remplir ma poche à eau et rejoindre la ligne de départ.
Nous sommes 250 coureurs. Je retrouve Thierry CHAMBRY arrivant de La Réunion et Grégoire, le frère de Guillaume MILLET, venu relever le défi des 10 000 m de dénivelé positif. Nous sommes nombreux à Saint-Nicolas de Véroce avec cette idée en tête. Après les dernières recommandations d’Olivier, nous nous recueillons tous pendant une minute, à la mémoire des 3 coureurs décédés lors du Raid du Mercantour. C’est avec ce rappel de notre vulnérabilité face à la montagne que nous nous élançons dans la nuit.
Comme nous attaquons par de la montée en forêt, le rythme est assez cool. Très rapidement le peloton s’étire, formant une guirlande de loupiottes. J’alterne déjà marche et course. A mes côtés, Thierry est là, Lionel FAVRE-FELIX aussi (4ème au Mont-Blanc 2004), et François LACHAUX. Le jour pointe tandis que nous évoluons dans les buissons de rhododendrons en fleurs. Le Mont-Blanc se teinte d’orange, c’est splendide. J’adore ce sentier parsemé de rochers blancs, bordé de végétation. Nous le disons tout haut, c’est magnifique. Conformément au dernier point météo, le ciel est exempt de tout nuage, ça va chauffer. Nous descendons au premier ravito des Toilles. Je trouve cette pente assez similaire à celle de Saint-Gervais par la Charme sur l’UTMB. Autant dire qu’il ne faut pas s’emballer. Toujours à 4, nous pointons en tête. Je ne m’arrête pas, et continue seul sur la piste qui bientôt remonte sur le Prarion. Je ne cherche pas à m’échapper, en profite pour ralentir, manger une barre et trottiner en attendant le retour des coureurs. Cette accalmie fait partie d’une gestion pépère. Faut bien se mettre en tête qu’il y en a pour 20 h selon Olivier. J’espère 19 h quand même.
Thierry revient, et nous grimpons ensemble dans le monotrace technique qui suit. Les 2 autres coureurs nous rejoignent à leur tour. Des petits ruisseaux coupent le sentier. Ça devient bien technique, et j’admire l’aisance de Thierry. Je lui fais remarquer que le terrain s’apparente aux chemins réunionnais ! Je reprends la tête du petit groupe, bien en forme, en m’aidant des bâtons. La fin du Col du Prarion offre une vue dégagée sur le Mont-Blanc. C’est vraiment beau. La descente suivante est assez ludique. De nouveau dans la forêt, il faut garder un œil sur le balisage pour ne pas se louper car il s’offre plusieurs chemins. Pas de problème, Olivier a bien matérialisé le parcours.
J’arrive à Bionnassay où le ravito me permet de faire le plein d’eau, de même que les 3 autres coureurs. Je prends mon temps, mange de la banane et des noix de cajou, et repars. Thierry est assez loin, et les 2 autres derrière moi. La montée au col du Tricot est formidable. Toute fleurie, serpentant parmi les buissons dans un chaos rocheux, avec des vues saisissantes. Rien que pour ça, le déplacement vaut le coup, et ce n’est pas fini puisque je cours depuis 4 h seulement.
Je rattrape Thierry, tandis que Lionel se rapproche également. Les sensations sont excellentes. Etant proche de l’UTMB, c’est un peu normal car ma préparation est quasiment bouclée. Cette Montagn’Hard est en quelque sorte l’occasion de me tester et de faire un premier bilan de la saison. Ça grimpe longtemps, et bien, de même que la chaleur. Enfin une petite descente, et c’est la traversée d’une passerelle suspendue au-dessus d’un torrent. On se croirait au Népal du coup ! Je laisse François qui m’a rattrapé traverser en 1er, car on ne passe qu’un par un. Il m’attend de l’autre côté et c’est mon tour. Très impressionnant ! Le sentier grimpe de nouveau pour atteindre le sommet du Col du Tricot à 2 120 m. La descente suivante est encore bien pentue. Formée de grands lacets sur un monotrace pierreux, c’est impeccable pour ne plus avoir de cuisses en bas si on ne joue pas du frein moteur ! Je laisse le François me distancer légèrement. Derrière, plus personne en vue. J’avais bien remarqué que Lionel et Thierry décrochaient dans l’ascension. C’est assez surpris que j’arrive 1er aux chalets de Miage. François LACHAUX a dû rater une bifurcation … Je me ravitaille donc seul et reprends le chemin sous les encouragements de l’équipe dynamique de bénévoles. La femme de Thierry m’annonce qu’il est gêné au niveau de l’estomac. Il faut dire qu’il vient juste d’arriver de la Réunion. Ce n’est pas évident dans ces conditions.
Je croise quelques randonneurs vers le sommet du Truc. Ils sont au courant de la Montagn’Hard et me plaignent ! S’ils savaient comme j’en profite !! Je me retourne de temps en temps mais personne en vue. Je descends assez rapidement jusqu’aux Contamines. Curieux de se savoir sur le parcours UTMB à contresens ! L’ambiance des lieux y est toute autre, mais bien sympathique. Je retrouve Anne et mes enfants. Déjà 7 h de course ! Je change de tee-shirt, optant pour un manches-courtes, bien que le ciel se parsème de nuages. Je suis le Bon Nant, rafraîchissant, dans la petite forêt qui le longe. Mais bientôt je le quitte pour entamer la montée du Mont Joly. Petit pointage pour prendre le chrono du meilleur grimpeur, petite pause photo avec les bénévoles, et c’est parti !! Je n’ai pas l’intention de changer d’allure pour les 1 500 m positifs qui s’annoncent. J’alterne la marche et la course quand l’inclinaison me le permet. Je transpire beaucoup, il fait lourd. Au sortir de la forêt, le sommet de la montagne semble dans la brume. A son approche, tandis qu’à 30 minutes derrière moi je n’aperçois toujours pas de coureur, les nuages s’accumulent. La dernière partie est franchement raide. Je m’arrête pour enfiler ma veste étanche.
Antoine Guillon (à droite), vainqueur, en compagnie de notre ami Jean-Yves (au centre) et de Eric Bonnotte, troisième de la course et vainqueur du challenge du meilleur descendeur (30' pour 1200 m sous les trombes d'eau !)
J’atteins le sommet sous la pluie battante, stoppe au pointage. Là, un retentissant coup de tonnerre déchire l’air, en même temps que la foudre s’abat sur le paratonnerre à 5 m de moi ! D’un coup, c’est la panique au pointage. Je file, n’ayant pas d’autre choix que passer la crête. L’idée de devenir paratonnerre à mon tour ne me séduit pas. La présence de mes bâtons n’est pas pour me rassurer non plus ! Je les tiens d’une seule main et les laisse traîner au sol. La grêle tombe à fond, dans des bourrasques violentes. Quel merdier !! Je quitte enfin la crête que j’ai entièrement marchée par crainte de la foudre, et me dérouille comme je peux dans la descente devenue ruisseau de grêle et d’eau. Je tombe deux fois, complètement vautré dans ce mélange boueux et froid. La pluie qui cingle aura tôt fait de me nettoyer.
J’arrive au ravito de l’Etape, y prends 2 soupes très bénéfiques et ne m’attarde pas plus car le froid me gagne. Anne et les enfants sont au croisement de Notre-Dame-de-la-Gorge. Ils se doutaient que j’avais pris une belle saucée !! Ragaillardi, je continue vers la Balme, en compagnie de Serge, l’avaleur de dénivelé, venu vérifier le balisage, faire une sortie trail et des photos. Ça fait du bien de discuter un peu. Je lui raconte l’orage, et il me semble bien qu’il s’en prépare un second. Encore une montée technique jusqu’au Hameau des Prés, sous la pluie. Je suis agréablement surpris de ne pas sentir d’échauffements aux pieds alors qu’ils sont trempés. Cette fois, il pleut fort pendant que nous descendons vers la Balme. Ravitaillement express pour moi, soupe et noix de cajou, après plus de 12 h de course.
Je repars seul, en direction du Lac Jovet. Je cours beaucoup sur cette section, pour me réchauffer surtout. Beaucoup de cailloux sur le sentier rendent la course cahoteuse, mais bon, ça avance quand même, et bientôt s’offre à moi la vue splendide du Lac Jovet. Il ne pleut plus, l’eau est translucide, j’aperçois les poissons, c’est super beau. Petit pointage où on m’annonce qu’il faut faire le tour complet du lac, chouette ! Puis c’est le retour vers la Balme, mais au lieu d’y redescendre, il faut obliquer pour grimper le Col de la Cicle. Serge est là, qui m’attendait patiemment pendant ma boucle au lac. Nous grimpons le col, enfin lui le grimpe vraiment, tandis que j’avance tranquillou après 7 000 m positifs et 80 km dans les pattes. Il prend des photos. Ce col est très impressionnant. D’en bas on n’aperçoit pas le sentier qui sinue dans le pierrier. Encore un joli coin. Je parviens au sommet à rythme égal, réchauffé par quelques rayons de soleil diffus. Comme quoi il faut s’attendre à tout en montagne. Je peux délier les jambes dans la descente vers le Signal. En alpage, le chemin permet de bien courir. Serge me quitte au ravito. Ces moments étaient sympas à partager. Beaucoup d’herbe dans la partie suivante. Après 16 h de course, je sens que l’estomac fatigue un peu. Il va falloir gérer convenablement l’alimentation. J’ai trouvé un équilibre avec les gels GO2 et les fruits secs. Depuis 6 h, je bois un mélange d’eau et de coca, en relais de ma boisson énergétique les 10 premières heures. Ça va bien. Les noix de cajou salées me font beaucoup d’effet, riche idée d’Olivier !! J’aperçois en haut une petite tente, encore un pointage. Je suis le sentier sous l’œil intéressé des vaches, seule présence ici. Je vois encore le ravito du Signal, et toujours personne à environ ¾ d’heure. Décidément, je crois bien que je finirai seul cette Montagn’Hard.
Au pointage, on m’annonce que l’Aiguille Croche est ôtée du circuit, trop dangereuse après les pluies. ¾ d’h de moins, ce n’est pas pour me déplaire. D’après le profil de la course que je me suis emmené, il me faut descendre 1 000 m jusqu’à l’altiport avant la dernière montée. Je cours toujours, profitant d’un long chemin en balcon. Des troupeaux de vaches m’obligent à marcher. Leurs cornes impressionnantes le sont d’autant plus que les bêtes ne semblent pas disposées à bouger d’un poil. En plus, ma veste rouge promet une belle corrida si je les énerve. Je n’ai pas envie de vérifier si je suis encore capable de courir au seuil !! Pas mécontent de laisser de la distance entre les troupeaux et moi, je finis par allumer ma frontale, dans la descente très raide pour l’altiport. Attention où l’on met les pieds, c’est plein de trous masqués par les touffes d’herbe.
Au bas de la pente, Maurizio SCILLA de Lafuma et Fabien HOBLEA, venus tous deux courir la Moins Hard, m’accueillent chaleureusement et m’accompagnent sur les 800 m de la petite route de l’altiport. Ça fait chaud au cœur. Un dernier ravitaillement, une soupe, le plein d’eau, et c’est la dernière section : 600 m + et 800 m -. Fabien et Maurizio courent à mes côtés jusqu’à l’entrée de la forêt, et je continue seul en suivant le balisage réfléchissant. Un panneau « Mont Joly » me perturbe un peu. Je n’ai pas envie de retourner là-bas, est-ce normal ? Avec la fatigue, on a vite fait de se poser des questions stupides. Bon, pas le choix, je suis le balisage et je verrai bien où ça me mène. Logiquement, je devrais rencontrer quelqu’un. Bien raide, cette côte-là encore ! Enfin, à la sortie du bois, un signal lumineux haut perché m’indique un dernier pointage au sommet. Ben mon vieux, j’y suis pas encore !!
Dans la nuit étoilée, avec l’apparition de la lune, je peux couper la frontale pour le plaisir. Par moments seulement, histoire de ne pas louper une bifurcation. Bref pointage, vue dominante sur les villes éclairées, je file vers Saint-Nicolas, encore caché par quelques mouvements de terrain. Dans le cas peu probable où il nous resterait encore des cuisses, Olivier a fait en sorte de nous servir une descente aux enfers, droit dans la pente !! Fabien et Maurizio sont encore là ! Nous finissons ensemble, Fabien devant pour annoncer mon arrivée. Quel plaisir !!
Je débouche dans Saint-Nicolas. Un petit comité d’accueil, normal vu l’heure, mais beaucoup d’émotion. Olivier parcourt les derniers mètres avec moi et je lui donne mes premières impressions sans réserve. C’était super beau, vraiment, et aussi très dur. A courir avec beaucoup de précautions, jamais dans le rouge, pour en profiter comme il se doit …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire