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Maratouristes/ Dreux

mercredi 5 septembre 2012

Raid 240 - Le récit de Didier

Comment résumer une course démesurée comme le Raid 240, ultra trail d'orientation dans un décor magnifique qui peut très vite devenir hostile. La course commence en fait bien avant le 22 août. Il y a la composition de l'équipe, trouver 2 ou 3 fêlés ce n'est pas le plus dur quand on a le carnet d'adresse de Stéphane. Puis il faut acheter les cartes, 4 IGN pour couvrir tout le parcours, investir dans un GPS, y rentrer la carte et la trace du parcours, merci Thierry. Il faut aussi imprimer le road-book, 62 pages de cartes et descriptions, impression recto verso pour gagner du poids, mise en pochette plastique étanchéifiée au scotch (rien à voir avec une soif étanchée au whisky) pochettes individuelles pour en laisser aux bases vie et éviter de trimballer tout dès le départ. Puis il faut se préparer soi-même, entraînement physique au temple de l'amour ou sur le terrain pour faire un peu de reco, raffermir les chairs, tanner les pieds (tiens, j'aurais peut-être du...) surveiller la chère, abstinence alcoolique de 6 mois à une semaine suivant les plans de chacun. Beaucoup plus complet et complexe qu'une préparation à Vert-en-drouais. Et avec ça, on arrive confiant au jour J.

 Auto-contrôle des sacs
A J-1 on fait une revue de sacs collective, matériel obligatoire, alimentation, sacs de base vie, on soupèse, on retire, on rajoute, il devrait faire beau au moins 3 jours, pas la peine de charger trop.

 Remise des dossards chez Dédé
22 août 8h, une petite table est dressée sur le trottoir devant chez Dédé le bistrot du village. Les quelques 70 coureurs viennent retirer leur dossard (à peu près la même effervescence qu'à Vert-en-drouais une petite année) les 1600 participants des 80 et 160 km sont encore sous la couette. 

 Prêts pour l'aventure
9H c'est le départ, moins rapide qu'à Vert, faux plat montant sur la route on trottine quand même. On n'a pas la pression, la vitesse moyenne demandée est en dessous des 3 km/h.

 Cap de Pède
Les 800 premiers mètres D+ jusqu'au Cap de Pède passent comme une lettre à la poste, et on arrive aux granges de Lurgues au 10e km en queue de peloton mais dans les temps prévus pour les premières équipes! C'est après que ça commence à se gâter. L'ascension du Pas des Car nous révèle ce que seront les passages de haute montagne tout au long de la course, chemins vaguement tracés, balisés par des caïrns plus ou moins espacés, les occasions de s'éloigner de la trace se multiplient. Jusque là nous avions toujours des équipes en point de mire, mais peu après le col de Couradette au km17 on se retrouve seuls et ça ne loupe pas, pas encore habitués à suivre au road-book et vérifier au GPS, on s'égare vers le Nord au lieu de virer S-O. Le moral en prend un coup d'autant qu'il faut remonter et qu'on a l'impression d'avoir gaspillé au moins 30'.

 Col de Couradette
Une fois revenu dans le droit chemin, on retrouve d'autres équipes. Nous descendons vers le lac de l'Oule en leur compagnie mais le temps passe et le rythme ne me paraît pas assez soutenu, il y a comme une odeur d'abandon ou de mise hors délai dans ce groupe. La prise de conscience a lieu au pied du col d'Estoudou que l'on attaque avec à l'esprit la barrière horaire du parking Orédon 19h Km30. Stéphane n'est pas bien depuis un moment, mais nous parvenons à garder 40' d'avance sur la barrière. On apprend que l'aller retour au Pic du Midi est supprimé à cause du vent, -6km -500m D+ l'étreinte de la barrière se relâche un peu, on est un peu rassurés au moment de repartir.
A la cabane d'Aygues Cluses Km37 la nuit est tombée, Stéphane ne va pas mieux, épuisé et démoralisé il décide de s'arrêter là et de dormir à la belle étoile avant de rebrousser chemin le lendemain. La suite nous donnera à penser qu'il a fait le bon choix. Trouver le Pas de la Crabe en pleine nuit n'est pas une sinécure, c'est tout droit disait pourtant pépé le rédacteur du road-book! Heureusement on se retrouve à 2 ou 3 équipes à ratisser le secteur et on finit par le dénicher quand même. Il reste 20Km pour atteindre Artigues avant 5h du matin, heureusement sans le Pic du Midi car notre bonus de temps est déjà consommé. Au col de Sencours nous réveillons un troupeau de lamas avant de basculer pour 7Km de descente.
Artigues 1ère base vie. Nous y arrivons peu après 4h. Il y a là plusieurs équipes arrivées bien avant nous et qui ont décidé d'arrêter. Nous ne sommes pourtant qu'au Km60. Changement de chaussettes, de road-book, hachis parmentier lyophilisé avalé sans conviction, et nous voilà reparti à 5h sans écouter les oiseaux de mauvaise augure qui prédisent qu'il est impossible d'atteindre Villelongue avant 17h soit 36km en 12h.

 Col d'Aouet
Sur la crête après le col de Baran
 Col d'Aouet, Chiroulet, Col de Baran, Col de Moulata, la journée passe très vite quand on est bien occupé, un peu de randonnée un peu de jardinage une petite sieste au soleil de 15' et nous voilà au Pic de Nerbiou, zone reconnue avec Flo il y a 2 semaines. Il reste moins de 2h pour les 8 derniers km en descente, j'ai encore le tracé parfaitement en mémoire alors on lâche les chevaux jusqu'en bas pour arriver vers 16h30.
La descente a eu raison de mes pieds et je dois me faire soigner. Les organisateurs nous assurent d'une certaine souplesse sur le respect des barrières horaires à Cauterets alors on s'autorise une nouvelle sieste de 45'. Au départ vers 18h nous rencontrons Christian Céline et Guy, qui nous encouragent et accompagnent pendant une bonne paire de lacets. Après 1300m D+ nous atteignons en pleine nuit la cabane de Conques où nous accueillent 3 chiens menaçants. Une fois les présentations faites et quelques biscuits échangés, voyant que nous n'en avons pas après leurs moutons, ils nous laissent faire le plein d'eau avant de repartir pour le col de Riou. Le col de Riou, nous l'avions reconnu mais pas de ce côté et on se trompe de chemin au départ de la cabane. Droit dans la pente pour redresser le tir, petite sieste de 30' en haut du col, et on retrouve une portion reconnue jusqu'à Cauterets où nous arrivons vers 4h30 soit 2h30 après la barrière horaire. Christine, la femme de Jean-Yves, bénévole sur le raid, est là pour nous accueillir. Nouveau soin de pied, sieste d'une heure et les organisateurs nous proposent de shunter la boucle d'Estaing 40km en échange d'une grosse pénalité avec le privilège d'être une des rares équipes encore en course à passer par le col de Culaus. L'idée nous emballe et du coup on retourne dormir une heure. Nous avions reconnu jusqu'en haut du col dans le brouillard avec Florence et je suis content d'aller voir plus loin. Le hic c'est que le road-book est dans le sac à Estaing, mais nous réussissons à nous en sortir avec le GPS et les explications, croquis à l'appui, des organisateurs.

Col de Culaus


 Vers le col de Culaus


 Laquet de Culaus


 Arrêt à la plage

 Le lac noir

 Petit pas d'escalade

Nous sommes gâtés, ce passage est magnifique avec des lacs d'une grande beauté. Peu avant le lac Antarrouye, la 2ème équipe qui a fait l'intégralité du parcours nous rattrape. La descente vers Esquieze Sere est interminable, nous arrivons à 22h en plein concert des Doors (non c'est pas la fatigue) et décidons de repartir à Minuit. Mauvaise surprise, les bénévoles d'Estaing, croyant que nous avions abandonné, ont renvoyé nos sacs de base de vie à Vielle Aure. Pas de changement de vêtements et chaussures possibles, pas de road-book pour la suite (heureusement on nous en imprime un en catastrophe) pas de piles de rechange (heureusement on nous en donne) nous repartons à minuit sans que j'ai pris des nouvelles de mes pieds. Ça monte jusqu'à la cabane de Sardiche et je ne me rends pas trop compte de ce qui se passe dans mes chaussures.

Cabane de Sardiche

A 4h du mat il commence à faire frais et la cabane nous offre un peu de chaleur pendant une demi-heure. 500 mètres plus haut, le jour se lève sur le refuge de la Glère, la patronne nous traite de grands malades, nous offre le café et des piles. Je fais 200m en descente après le refuge, un voyant rouge s'allume, je dois faire une réparation de fortune sur le pied gauche. Le soulagement est immédiat mais il reste 33km. Nous sommes dans le massif de Néouvielle, c'est superbe mais la progression est difficile. 6 Km plus loin, au col de Tracens je dois me rendre à l'évidence, chaque pas est une souffrance, je ne me vois pas faire 27km dans cet état. Les 2km de descente jusqu'à la cabane d'Aygues Cluses me confortent dans la décision d'abandonner. J'arrête samedi vers 15h, au même endroit que Stéphane il y a un peu plus de 60h et laisse filer mes compagnons, admiratif devant leur état de forme.
La journée n'est pas finie pour moi. Je dois redescendre à Tournabout sur la route du Tourmalet par mes propres moyens, soit 1h45 de marche. Je vais mettre 4h. Le temps est devenu froid et humide, pendant ces 4h je vais croiser la plupart des coureurs du 160 km, hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, qui montent vers le col de Barèges. Je les encourage mais eux aussi m'encouragent, s'inquiètent de ce qui m'arrive, me proposent des Compeed ou de repartir en leur compagnie. On se demande souvent pourquoi on fait de l'ultra, peut-être qu'un des éléments de réponse est le sentiment réconfortant d'appartenir à une grande famille. Famille dont fait partie Stéphane qui me tombe dans les bras, mort d'inquiétude, alors que je me suis endormi sur un lit pliant enfin arrivé à Tournabout. Famille dont font partie aussi les podologues de Vielle Aure qui vont passer 2h30 à mes pieds avec portage jusqu'à la douche du camping et retour inclus.

Les Finishers

Il y avait une vingtaine d'équipes au départ, 2 ont bouclé le parcours intégral, 4 autres ont terminé en shuntant une partie et les ultratouristes terminent à 2, 7ème et derniers. Stéphane doit être frustré de ne pas être allé plus loin, mais pour moi aucune déception, l'aventure a été complète, jusqu'auboutiste, la charge émotionnelle a atteint des sommets, et je rend hommage à mes 3 équipiers, compagnons idéaux pour ce genre d'expérience.

Le miracle de l'eau

Je me souviens m'être arrosé un nombre incalculable de fois, ça en devenait une obsession, j'étais en permanence aux aguets guettant le moindre bruit de source pour y remplir ma casquette.
Je me souviens m'être arrêté souvent pour manger des myrtilles, et Jean-Yves de me dire ''c'est autant de pris sur ton temps de sommeil''.
Je me souviens de l'air frais qui emplissait mes poumons dans les longues ascensions nocturne me procurant une étrange sensation de bien-être.

Pépé l'auteur du road-book

Entre longueur, difficulté du terrain, orientation, les organisateurs ont certainement surestimé la capacité des équipes à se sortir dans les temps impartis de tous les pièges de la course, mais l'aventure demeure et elle est belle.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Un grand bravo pour ta ténacité.
Remets toi bien !

Philippe. equipe 216 du raid 240

Loulou a dit…

Beau commentaire et bon récit.
je ne sais si le 1er commentaire est passé, sinon je recommencerais.

2 erreurs de photos :
- la descente de Chiroulet. Pour moi c'est plutôt la descente du col de baran par la crête, car en face on a le col de la moulata et le haut hautacam
- je ne suis pas le coupable du parcours, je n'en suis pas l'auteur, mais peux être considéré comme coupable de mes erreurs sur le roadbook.

Loulou a dit…

J'ai apprécié ce récit accompagné de quelques photos.
A quelques portions près, vous avez parcouru l'essentiel du parcours (manque le col facile d'Ilhéou et le belvédère du Cabaliros). Mais vous avez traversé les contrées sauvages incluses dans le parcours tel le col de Culaus et le splendide passage du massif de Néouvielle entre La Glère et Aygues Cluses.

J'espère que vous reviendrez l'année prochaine pour un nouveau parcours, complet cette fois-ci je l'espère.

Et quelques précisions que je vous donnais : le concepteur du parcours est Michel Fropier du PC Course, qui monte des itinéraires spécialement choisis pour vous, à charge à nous (et à lui) de les reconnaitre, à défaut d'être présent avec vous au départ.

Pour ma part, j'ai rédigé le roadbook vu mes recos effectuées sur ce parcours, et bien sûr m'excuse des erreurs éventuellement incluses.
Le raid est une formidable aventure
et lorsqu'on peut le réaliser complètement et en bonne condition, je pense que cela reste un merveilleux souvenir.
En contrepartie, il exige de votre part d'être en forme, bien préparés car faire 240 kms et 16000 D+ (près de 18000 D+ selon mes comptes) en 4 jours , c'est dur.
Au plaisir de vous retrouver l'année prochaine.

Anonyme a dit…

Merci Loulou pour cette mise au point. La photo a été prise après celle du col d'Aouet mais au moins 5 heures après! J'ai légendé sans réfléchir...

Didier