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Maratouristes/ Dreux

jeudi 9 octobre 2014

Trail des Aiguilles Rouges, le compte-rendu de Philippe

 "Le trail le plus technique et le plus sauvage autour de Chamonix." Cette description lue dans un magazine sur le trail correspond tout à fait à ce que l'on a ressenti sur cette course. Pas facile et même difficile. Plus par son terrain, cailloux, rochers, blocs que par sa distance ou son dénivelé. Je mets quasiment le même chrono qu'au Grand Raid 73 (23 km de plus et 800 m+ de plus) alors que j'étais assez bien. 
Sur cette course, je regrette de n'avoir pas convaincu d'autres Maratouristes de venir. Denis, absent des montagnes depuis des années, a bien voulu revenir tâter le dénivelé. "Et je veux les deux points" a-t-il dit. Ceux qui lui manquent pour prétendre à un dossard pour la CCC, notre objectif 2015.

La veille de la course dans les rues de Chamonix
Un week-end qui commençait super-bien avec une météo exceptionnelle, un voyage facile, une contrôleuse qui ne nous fait pas payer le billet de train entre Servoz et Chamonix (pour laisser la voiture à l'arrivée et pouvoir repartir plus vite à Dreux, malins les gars !), une chambre à l'UCPA avec deux gars sympas et un repas Rice-party samedi soir superbe. 

sur le quai de la gare de Servoz, déjà en contemplation. Ce week-end ne pouvait être que génial.
Il ne restait plus qu'à courir.

avant le départ, pas très froid, 10° à 4 heures

cette place de la mairie de Chamonix où on en a pris des départs mais rarement de nuit, que la TDS 2009 pour moi. 

On avait dit avec Denis, "chacun son rythme" car il avait peur de me suivre dans la montée du lac Blanc. Comme je ne voulais pas me griller non plus, on est arrivé au Lac Blanc (1200 m+, 7 km) quasiment ensemble sans s'être attendu. Avant la Flégère, c'est le parcours de l'UTMB et de la CCC à l'envers, souvent de grandes routes larges. Puis après la Flégère, on trouve plus de cailloux, de single-tracks, de file indienne. On a chaud en montant mais quelques courants d'air nous font garder la veste.

première série d'escaliers à descendre vers les lacs des Chéserys

l'ai-je bien descendu ?

le soleil se lève quand on aborde les lacs des Chéserys, on voit les coureurs au loin sur la crète

en se retournant, la file des lampes qui descendent du lac Blanc

dernier coup d'oeil sur le Mont Banc enfin éclairé par le soleil, avant de descendre sur le col des Montets. Magnifique !

Denis fera la descente devant moi, photos obligent. Là on voit le hameau du Tour au fond de la vallée

cette descente est la montée de la Tête aux Vents de la fin CCC/UTMB. On voit un lacet du col des Montets en bas

Le Buet, km15, il fait jour, il est 8 heures, 18 minutes devant la barrière horaire, ça va bien.

on entame la montée dans la forêt du vallon de Bérard

le refuge de la Pierre à Bérard, au fond, juste sous la ligne du soleil.

la montée se poursuit, on s'éloigne de la route de Vallorcine. Denis semble moins bien. "Je lui dit que je vais grimper à mon rythme et faire la descente qui suit en marchant pour qu'il revienne sur moi."

nous voilà bientôt au refuge, après avoir doublé plusieurs groupes de randonneurs profitant de la météo pour grimper au Buet (3100 m)

l'écart grandit avec Denis, on le voit qui arrive au refuge, je suis déjà au-dessus

on passe 2000 m, on quitte les alpages, on attaque le minéral. Le Buet en-haut à droite.

Un coureur, le gars en jaune, m'interpelle. "Salut l'instit !". Je le reconnais, on avait fini le Grand Raid 73 ensemble. Là, je le double, il n'est pas bien. Je ne le reverrai pas. Au fond, dans la trouée, le Mont Blanc bien ensoleillé et les faces nord poudrées des Aiguilles Rouges

les petits rochers font place aux gros blocs, faut parfois mettre les mains mais le col Salenton, là-haut à gauche arrive

une traversée des éboulis et je suis en-haut. 

je regarde derrière, pas de Denis. Il arrivera au col 14 minutes derrière moi mais je ne le sais pas.

km 23

la descente vers le refuge de Moëde Anterne, 7 km plus loin. Je vais mettre 1h36' pour y arriver... en marchant. Denis ne devait pas être très bien car il perdra encore du terrain sur moi et mettra 1h45'.

ça commence bien raide, heureusement, c'est très sec

je me retourne encore un énième fois. Pas de Denis là-haut

après les éboulis, on retrouve les alpages et hop voici le Mont Blanc

dans la descente on aperçoit le sentier par où on montera tout à l'heure au Brévent, la pointe la plus à droite au second plan

un sentier en balcon magnifique avant le refuge

et voilà les rochers des Fiz et le refuge au pied

beaucoup de monde, des spectateurs, des 4x4. C'est pour ça que ce sera le point avec le plus d'abandons, 52 !

le sentier par où on descend au Pont d'Arlevé  avant la remontée sur le Brévent, la pointe devant l'Aiguille du Midi au second plan
Au refuge, je m'arrête dix minutes, une petite soupe, le fond de la gamelle. Plus de boisson gazeuse. Je suis bien, 45 minutes devant la barrière malgré cette descente en marchant.
Denis arrivera 23 minutes derrière moi, 16 devant la barrière horaire.

tout en bas, le fameux pont à partir duquel 900 m nous attendent pour aller au Brévent. Il fait bon, parfois chaud... Je n'ai pas vu Denis au refuge, je m'inquiète. Et pas de réseau dans ce vallon, pas moyen de l'appeler.

la remontée se fait tranquillement, je me retourne souvent, rien...

on voit au loin le refuge où j'étais tout à l'heure. et en-dessous pas de Denis. 

après un sentier montant en balcon, on arrive au pied d'une belle pente. On voit les coureurs collés partout dans ses lacets. Le col du Brévent est là-haut, on y va.

je continue tranquillement sans forcer. Pas de Denis en vue, je suis désolé.  Il s'est entraîné tout l'été, il va être déçu surtout qu'il n'aura pas ses points pour la CCC. Quelle m...! Au détour d'un virage, je lève la tête et que vois-je ? non, non pas Denis mais deux bouquetins juste au-dessus du coureur en rose. Si, si, cherchez bien.

là, vous les voyez mieux...

je vois que la barrière horaire du Brévent s'approche et rien en vue un quart d'heure en-dessous. Je continue tranquillement à mon rythme sans forcer du tout, un peu démobilisé par l'échec de Denis. Je commence à me demander comment je vais le retrouver. Comment ira-t-il à l'arrivée ? Et le voyage de retour ne va pas être terrible. Il va m'en vouloir de l'avoir entraîné dans cette galère..

le col du Brévent approche, les blocs de rochers sont plus nombreux

le gars qui a tracé le sentier a dû se fâcher très fort pour foutre un tel merdier. Des cailloux partout...

le col est là et l'on découvre un des plus beaux panoramas que peut nous offrir ce massif

plus on s'approche, plus c'est superbe

et en arrivant au col, l'apothéose, le massif pour nous seuls
exceptionnel ! (photo de Denis)
mais je ne m'attarde pas, avec la montée cool que j'ai fait, la barrière s'est rapprochée et il reste 1,5 km et 200 m+ avant le Brévent. Un petit coup d'oeil quand même à l'Aiguille verte

on voit là-haut, regardez bien, les câbles de l'arrivée du téléphérique qui va de Planpraz au Brévent.
quelques échelles pour agrémenter le final vers le Brévent (photo de Denis) 
et ça y est, la barrière du Brévent, km39, est franchie., 14 minutes avant le cut !
Mais t'es où mon Denis ??? Il ne doit pas être bien car ça fait 24 km que je marche et il n'est pas revenu.
Il ne reste plus que 11 bornes, 200 m+ à grimper et pas mal à descendre.
Et si Denis arrive quand même jusqu'au Brévent, il sera hors barrière et devra quand même finir ces 11 bornes sans être finisher. Dur, dur !

Même si le moral n'y est pas, une photo souvenir. De telles conditions, c'est rare !

Un dernier effort pour passer la barrière de l'Aiguillette des Houches située à 4,2 km (500 m- et 220 m+). J'ai 1h15 pour le faire, ça va aller.
Je me retourne pour voir le Brévent et chercher dans les coureurs qui en descendent si .... Là cette casquette ? Non pas lui. Et ce tee-shirt ? Non. Et ce marcel bleu ? Il n'en avait pas un qu'il aurai ressorti du placard ? Non pas Denis... 

je vois le chemin qui reste avant l'Aiguillette des Houches, ça va aller, elle est au fond à droite.

soudain le miracle, celui qu'on attend plus, auquel on ne peut croire. Quelqu'un m'appelle. "Philippe". Oh là, t'as finalement pris un coup de chaud, t'entends des voix. Tu te prends pour Jeanne d'Arc. Ok, je vais à Reims.
Mais ça recommence. "Philippe". Je me retourne et je vois, non pas Charles VII, mais tout simplement Denis. Je ne comprends pas. Il vient d'où ? T'étais où ? Comment t'as fait ? Les questions fusent mais il n'entend pas. 

Tout d'un coup préoccupé par la barrière horaire et sentant que la perf de deux finishers est à nouveau possible, je regarde ma montre et lui lance. "Allez Denis, douze minutes avant la barrière. Allez, c'est maintenant."
Je me pose plein de questions. Il est trop loin pour y répondre mais on verra plus tard. "Allez Denis, plus que 10, plus de 8 minutes."

Quand Denis m'appelle, je fais une photo pour voir ce qui reste. La barrière, le contrôle, c'est là-haut, la bosse au fond au milieu, couverte de coureurs, de contrôleurs, le bonheur...

Il fait l'effort, et on passe cette barrière 6 minutes avant l'élimination.
Il me tombe dans les bras. "Qu'est-ce que je suis content. J'en ai chié comme rarement. C'était très dur. Mais j'ai rien lâché."
Je suis très ému, je le voyais éliminé, désespéré et nous voilà à 7 bornes d'être finishers. Génial ! Quel pied ! C'est pour des moments intenses comme ceux-là qu'on s'entraîne par tous les temps, qu'on en bave. Finir une course, c'est bien mais ainsi ensemble, quand tout espoir semblait perdu, c'est magnifique. 

Denis vient de passer la dernière barrière horaire.  Il reste  1h20 pour descendre à Servoz. Mais le contrôleur, sympa, nous rassure. "Pas de stress, ils vous attendront et vous serez finishers maintenant que vous avez passé ce contrôle."
On sentait que ce week-end ne pouvait être que génial.

et débute le longue interminable descente de 1500 m-. Au début Denis trottine bien puis de moins en moins vite avant de finir en marchant, bien cassé...
IL prend le temps de me raconter sa course. De ses difficultés qui ont commencé dans le col de Salenton puis vers le refuge de Moëde Anterne. "J'étais pas bien." Pas mieux pour aller vers le Brévent. "J'ai cru que ça ne passerait pas." Mais après un final à l'énergie, il franchit la barrière du Brévent deux minutes avant l'élimination. Ouf ! Cela lui donne un coup de boost, il recourt dans la descente qui suit et revient sur mes talons avant l'Aiguillette des Houches. Quel suspens !

quel panorama, on en profite désormais le coeur léger. On va être finisher...

un arrêt en cours de route pour secourir la pauvre Cathy avec le genou en vrac. Un doliprane et hop elle repart. Merci Denis. Il assure même le secours en montagne, en dans un décor de rêve...!

cette photo sera sa carte de visite pour les vingt prochaines années,  et son fond d'écran pour au moins un demi-siècle... "Dix fois, j'ai cru que c'était fichu, que je ne passerai pas la barrière du Brévent ...! Et je suis finisher !"

après les alpages, la forêt, et un peu de course car le chemin le permet. Mais un peu après, cela devient un peu plus raide et les cuisses de Denis couinent. Moi, ça va même si je trouve le temps long. 
FINISHERS, FINISHERS, FINISHERS !
Et un, et deux finishers du TAR.
accueillis après la ligne d'arrivée par l'ancien Drouais Karim (dernière photo de la sélection pour le blog parmi les 139 photos que j'ai faites pendant la course)

Une arrivée tardive, 18h20, deux coureurs bien fatigués, heureux mais épuisés,  il n'en fallait pas plus pour que Danye, depuis Dreux, prenne les choses en main. "Pas question de rentrer ce soir. Vous dormez à Macon, j'ai réservé un hôtel."
On ne se le fait pas dire deux fois.  On sent la fatigue.
Après l'arrivée, un quart d'heure à reprendre ses esprits, un autre quart d'heure à une terrasse bondée (comme jamais cet été) de Servoz et hop en route. Deux bonnes heures de route, une douche et à 21 heures au lit à Macon.
Lundi matin, réveil 3h30, départ 3h45 et à 7h45 on était à Dreux. Quel week-end ! Mais ça valait le coup.

Classement. 505/ Denis et Philippe sur 527 classés et 622 partants.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

très très émouvant! ça me rappelle votre arrivée en 2007, à Cham...bravo Philippe pour ce CR, les photos, et pour avoir attendu Denis: c'est ça , l'esprit d'équipe.
Félicitations à Denis qui nous prouve qu'il ne faut jamais rien lâcher!!!
steph