Après mon cuisant échec au Raid 240
de l'an dernier (manque de peau), faisant déjà suite à 2 tentatives avortées sur
l'UTMB en 2006 et 2007, j'avais besoin de me réconcilier avec la
montagne. Le tor des géants m'est apparu comme une évidence. Bien
sûr c'est la course de tous les superlatifs mais pour le diesel que
je suis, avec ma constitution agricole, je me suis dit que ça devait passer plus facilement que sur
un UTMB ou un GRP couru avec les barrières aux trousses. Bien sûr il y a toujours une petite douleur au talon, mais elle ne m'a pas gênée plus que cela pendant les trails de préparation alors pourquoi s'en faire?
La préparation des 3 derniers mois
1 ultra
(Ardennes Méga trail), 3 CO, 3 footing d'1h et 1 raid en Juin
1 ultra (ITT) et
2 footing d'1h en Juillet
5 footing d'1h en
Août (dont un d'1h49 quand même!)
4 randos
montagne 2 semaines avant la course
Préparation
un peu minimaliste mais permettant au moins de prendre le départ avec du
jus...
Le matériel
Comme de
nombreux concurrents, j'ai opté pour le sac Raidlight OLMO 20L
Ce sac est
confortable, les bidons sont stables
Défaut : les
coutures de la ceinture porte dossard usent rapidement les tee-shirts
techniques
Astuce :
passer la ceinture dans une chaussette percée et accrocher le
dossard à la chaussette, fini l'usure!!
Le truc de la chaussette
Dans le sac de
base vie fourni par l'organisation, je prévois notamment 2 paires de
chaussures, une dizaines de paires de chaussettes, vêtements chauds
et crème Nok.
1ère étape
48,6km – 3750D+. La chance ayant été
de notre côté lors du tirage au sort, nous nous retrouvons avec
Jean-Yves sur la ligne de départ par ce beau dimanche pluvieux de
Septembre. La météo l'a dit, ça ne va pas durer.
Monsieur Carotte et
Monsieur Epinard
De fait nous tombons le Kway dès les
premières rampes du col Arp. Il y a 1300D+ qui passent comme une
lettre à la poste, nous arrivons avec Jean-Yves au sommet sous un
petit rayon de soleil au bout de 2h30 de course.
Un âne pour faire
avancer Carotte
Vers le sommet de l'Arp
Dans la
descente nous rencontrons Jean-Michel pour la première fois. A la
Thuile, 4h de course,je retrouve Florence pour la dernière fois. Je
laisse filer Jean-Yves car je m'arrête pour m'oindre les pieds. Je
vais le faire à peu près autant de fois qu'il y a de cols sur la
course ce qui me permettra de finir sans la moindre ampoule!
La Thuile - 1458m
Vers Deffeyes
17h18 Refuge Deffeyes
2500m – les grondements du tonnerre ont effrayé le soleil
En haut le haut pas
Dans la
montée du col du haut pas, traversée de torrent, je glisse et mets
les pieds dans l'eau, allez hop changement de chaussettes.
18h35 - Col du Haut pas
2857m
19h33
J'arrive au ravito Promoud, il pleut bien maintenant, la montée au
col Crosatie 2829m dernier col avant la première base vie ne
s'annonce pas comme une partie de plaisir. Ascension dantesque dans
le vent et sous la pluie, il faut s'arrêter avant le sommet pour
sortir la frontale. Je passe le sommet à 21h05. C'est dans la
descente qui suit qu'un concurrent chinois laissera la vie. Je ne l'apprendrai qu'à l'arrivée de la course. J'arrive à
Valgrisenche à 0h20. Douche, sieste 2h30, repas, changement de
chaussures je repars à 4h15 (BH 7h) la pluie a cessé et ne
reviendra plus jusqu'à la fin!
2ème
étape
Avec 53km – 4137D+, 3 grands cols dont le Loson à 3300m cette
journée s'annonce compliquée, heureusement la météo s'est
nettement améliorée.
7h49 passage au col fenêtre 2854m, c'est quand même plus agréable
avec un rayon de soleil.
Descente
du col fenêtre
Je monte les cols à mon petit rythme et déroule tranquillement
d'une foulée la plus rasante possible dans les descentes, ce qui
fait que je revois souvent ceux qui me passent dans l'ascension. Pas
le temps de faire du tourisme à Rhêmes Notre Dame, les 1300D+ du
col d'Entrelor occupent mes pensées.
Entrelor
vers le ciel
Entrelor
toujours plus haut toujours plus beau
La montée est interminable mais ce n'est pas encore le plat de
résistance. Je termine mon assiette à 12h11 et vais digérer durant
les 1350D- menant à Eaux Rousses.
Entrelor
la descente
Un peu avant d'arriver à Eaux-Rousses on aperçoit sur la montagne
d'en face les premiers lacets du col Loson bien exposés au soleil,
j'en salive (bave?) d'avance.
14h49 J'entame la montée du col Loson 1640D+. Interminable est le
seul adjectif qui puisse convenir, heureusement que des distractions
nous sont proposées avec la présence de chamois et bouquetins...
Chamois du Loson
A 19h40 je bascule dans la descente sur Cogne, 1800D- j'active le pas
au début pour profiter du jour au maximum.
22h40 Enfin Cogne, pour clore cette journée bien remplie. Nouveau
changement de chaussures pour prévenir un début d'échauffement,
une bonne nuit d'1h30, un petit repas et ça repart à 2h40 (BH 6h)
3ème étape
Avec 46,6km et 1340D+ la troisième
étape fait presque figure d'étape de repos. Néanmoins, pris de
somnolence dans la montée nocturne vers la fenêtre de Champorcher
je dois faire une nouvelle pause de 45' au refuge Sogno ou un canapé moelleux me tend les accoudoirs . La descente
vers Donnas est longue mais agréable. J'y croise Jean-Paul et Denis
deux suisses que je retrouverai souvent.
La passerelle vers Pontboset
Dans la vallée de
Donnas
J'arrive à 14h26 heure idéale pour
repartir à la fraiche. Une douche, 3h de sieste, un bon repas et je
repars à 19h40 (BH 2h00) gonflé à bloc, d'autant que j'ai pris connaissance de tous mes messages d'encouragements.
Menu gastronomique à
Donnas
4ème étape
51km – 4584D+. Après avoir atteint le point bas à Donnas 330m, il
faut remonter. Les premiers km dans Donnas sont très sympas, un
client de bistro m'offre une gorgée de sa bière, je sympathise avec
le diable près du pont st martin.
Pacte avec le diable
Pont
St Martin
Puis c'est de nouveau la solitude dans une montée difficile. J'arrive
au ravito Sassa complètement épuisé et doit me reposer 30' avant
de repartir à 1h pour les 900D+ vers le refuge Coda point de
mi-parcours. L'arrivée à ce refuge est magique, on débouche sur
une crête et on découvre d'un seul coup le piémont et les lumières
de Biella. Je récupère 1h au refuge avant de poursuivre ma route.
2h plus tard, je passe au lago Vargno au lever du jour.
De quoi couper l'appétit...
Premières nausées, j'avais pris depuis le départ des comprimés
pour faciliter la digestion, je commence à en voir les limites. Une
succession de col jusqu'à Niel, ou je m'octroie 1h de repos. Encore
un col et c'est la descente sur Gressoney-st-jean ou j'arrive à 17h50, je
me couche tout de suite en mettant le réveil à 20h. Malgré les
pauses et les siestes la fatigue s'installe, je ne pensais pas mettre
22h pour ces 51km.
5ème étape
36km 2750D+ Ouf une étape plus light! Je pars à 21h43 (BH 1h00) Je
passe le col Pinter à 1h48, je dois me concentrer pour chasser les
somnolences. En fonction de la pente mon souffle est plus ou moins
court et des refrains de chanson que je ne peux pas choisir ou chasser me
viennent à l'esprit pour donner la cadence. Il faudra que je prenne
un MP3 car j'en ai marre de fredonner ''les mots bleus'' ou ''1000
colombes'' pendant des heures. Après une pause de 45' au bar de
Cuneaz, je m'arrête 1,5km plus loin au refuge Crest pour déguster
une délicieuse salade d'abricot et une orange pressée. Jeudi 6h du
matin je pars du ravito de St Jacques avec pour objectif l'arrivée à
Valtournenche avant midi.
Descente
sur Valtournenche
6ème étape
47km – 3404D+. 3h de pause dont une de sieste, et je repars à
14h45 (BH 21h). Je connais le début de ce parcours, nous l'avions
reconnu sur 4km jusqu'au lac de Cignana avec Florence.Par contre je
découvre les 43 suivants et ils vont être assez cuisants. Une
succession de col en altitude peut-être plus usante moralement
qu'une ascension sèche avec pour finir la périlleuse descente du
col Vessonaz. Je m'arrête dormir 2h à Reboulaz, 30' à Cuney, 1h à
Clermont, mes batteries ne tiennent décidément plus la charge. J'arrive à Oyace au lever du jour pour une nouvelle
sieste d'1h avant le dernier col de l'étape qui mène à Ollomont.
12H12 je passe le col Brison, et arrive à Ollomont à 13h50. Sieste
au soleil, petit repas.
7ème étape
49km – 2609D+. 15h50, il reste 24h pour finir, cette fois j'y crois
vraiment, même si l'estomac devient retord. Dans la montée vers
Champillon je rattrape un coureur de l'empire du soleil levant paniqué à la
perspective du prochain couchant. Il a perdu sa frontale, je lui
prête une des miennes. Plus loin je croise d'autres occupants des
lieux devant lesquels il ''veau'' mieux s'effacer.
Zut
: le passage à nivaches est fermé
Voooooous
ne passerez pas!
Col Champillon, l'avant-dernier des 25! La descente vers St-Rhémy-en-bosses est
longue et facile. Je pourrai courir, malheureusement mon estomac ne
supporte plus les secousses et ne manquera pas de me le rappeler.
Ça
sent le dernier jour des cols
Direction
St-Rhémy-en-bosses
Houston,
on rentre à la maison!
A St Rhémy on me donne un médicament pour l'estomac, je dors 1h et
repart vers 1h du matin pour le final. Je retrouve Jean-Paul, le
suisse, qui dort debout et nous continuons ensemble. On nous annonce
une barrière horaire à environ altitude 2000m non inscrite sur le
book. A 2300m nous n'avons toujours rien vu et commençons à douter.
Jean-Paul cherche à téléphoner sans succès et perd son téléphone,
on s'en aperçoit un peu plus tard. Heureusement les organisateurs
vont lui retrouver au petit jour. La barrière, elle, était en fait
au refuge Frassati à 2500m. Je fais une de mes dernières siestes au
refuge avant d'attaquer le final de Malatra. J'arrive au sommet au
lever du soleil, c'est magique.
Col Malatra – La délivrance
La descente sur Bonatti est longue mais je savoure. Un peu trop
relâché sans doute, je chute lourdement mais sans conséquences.
Bonatti - Bertone je connais dans l'autre sens, j'avais oublié que
c'était si long et je dois faire encore 30' de sieste au soleil. Et
c'est le final, la descente de Bertone, l'arrivée dans Courmayeur
sur le tapis rouge, je lève mes bâtons au ciel.
Voilà c'est la fin de l'aventure, je ne me suis pas trompé en me
pensant capable de relever ce défi et j'en tire une vraie
satisfaction. J'ai pris dès le début une marge avec les barrières horaires et je me suis attaché à préserver ce petit capital. Mon corps maintenant a compris que c'était fini et se
laisse submerger par la fatigue.
La station debout va être pénible pendant quelques jours. Mes pieds, articulations et tendons sont intacts mais mon estomac va mettre plusieurs jours à reprendre le dessus. Mon talon m'a envoyé quelques signaux au début, mais a fini par laisser tomber. J'ai brulé 5kg de graisses diverses sur les chemins valdôtains. Je me suis endormi 16 fois entre 30' et 3h pendant la course pour un total de 20h environ, un peu de quoi être déréglé en fin de semaine. Il faudrait refaire ce tour tranquillement en rando pour encore mieux profiter du paysage et des refuges, mais on ne retrouverait pas cette ambiance extraordinaire, le soutien et les encouragements des 1500 bénévoles, les rencontres avec des coureurs venus des 5 continents, et les SMS de mon fan-club.
La station debout va être pénible pendant quelques jours. Mes pieds, articulations et tendons sont intacts mais mon estomac va mettre plusieurs jours à reprendre le dessus. Mon talon m'a envoyé quelques signaux au début, mais a fini par laisser tomber. J'ai brulé 5kg de graisses diverses sur les chemins valdôtains. Je me suis endormi 16 fois entre 30' et 3h pendant la course pour un total de 20h environ, un peu de quoi être déréglé en fin de semaine. Il faudrait refaire ce tour tranquillement en rando pour encore mieux profiter du paysage et des refuges, mais on ne retrouverait pas cette ambiance extraordinaire, le soutien et les encouragements des 1500 bénévoles, les rencontres avec des coureurs venus des 5 continents, et les SMS de mon fan-club.
Epinard et carotte rapé
Tamura Satoshi - L'homme sans frontale
Entente Franco-Suisse
1 commentaire:
Tu as été extraordinaire! grâce à ta volonté , tu as su vaincre les sommets, les maux d'estomac, le manque de sommeil, la solitude... Le Temple d'Amour va te sembler très roulant dorénavant!
félicitations
steph
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